La ministre de la Culture a annoncé une possible réouverture des musées, sous conditions très strictes. Pour le spectacle vivant, rien de cela pour le moment. Témoignages de professionnels du spectacle, candidats aux élections TPE en Ile-de-France, Nouvelle-Aquitaine et Hauts-de-France.
« Un lien entre la mise en scène et la technique ». Voilà comment Léo Garnier présente son métier de régisseur général qui, dans le spectacle vivant et le cinéma, est l’interface avec les professionnels des décors, du son, de la vidéo, des costumes… « J’ai un pote professionnel du son qui a travaillé trois jours depuis mars 2020 », raconte-t-il. Alors, lui estime avoir « vraiment beaucoup de chance ». Au début de la crise, certains de ses employeurs ont honoré les contrats, en dépit de l’annulation des représentations. Il touche désormais « un petit peu de chômage partiel », mais il a aussi travaillé à la rentrée de septembre sur deux spectacles avec répétitions, ainsi que sur le festival Jazz à la Villette. « Je travaille également pour le Théâtre de la Ville de Paris, très actif en ce moment malgré la situation. Certaines représentations sont maintenues pour être filmées », détaille Léo. « Mais on n’est pas très nombreux dans mon cas », insiste-t-il.
« Notre force, c’est de travailler ensemble »
Jean-Maximilien Sobocinski, comédien à Lille (Nord), relativise lui aussi: « J’ai une baisse de salaire, mais pas énorme. J’ai la chance de faire des répétitions et je suis indemnisé par Pôle Emploi. J’avais fait mes heures avant le Covid, mais c’est terrible pour les gens qui ne travaillent plus du tout. » Les professionnels du spectacle qui, comme lui, ont cumulé 507 heures de travail sur les douze mois précédents, bénéficient en effet du régime de l’intermittence. Une « année blanche » a été décidée par le gouvernement, étendant la période d’indemnisation jusqu’à août prochain, mais après ? « Ce qui fait notre force, c’est de travailler ensemble. Ce qui sauve les artistes, c’est d’être rattaché à une compagnie », confie Jean-Maximilien, qui a créé la sienne, la Compagnie du Créac’h, référence au phare de la pointe Ouest d’Ouessant.
« Année blanche » jusqu’en août, mais après?
Charlotte Gutierrez, comédienne et metteuse en scène près de Niort (Deux-Sèvres) , explique n’avoir « aucune visibilité ». Elle mène notamment des projets artistiques et pédagogiques dans des établissements scolaires et médico-éducatifs. « Tous les spectacles ont été annulés », précise-t-elle, et l’organisation des ateliers doit s’adapter à la situation sanitaire. Ses interventions dans des troupes de théâtre amateur pour adultes ont également été suspendues, car « les mairies n’autorisent pas l’utilisation des salles des fêtes ». Elle évoque aussi « un gros contrat de mise en scène, une création, qui a été repoussée et qui n’est pas sûre de se tenir ». « C’est un peu du bricolage au jour le jour », conclut-elle. Elle aussi bénéficié de « l’année blanche » des intermittents, mais pense qu’elle verra « la différence en septembre ».
Spectacle annulé, repoussé, à nouveau annulé…
« Je devais chanter à l’opéra de Massy [Essonne] en mars 2020. Cela a été annulé et repoussé à novembre… et à nouveau annulé. Cela sera peut-être reporté en 2022. » Cette anecdote résume bien le quotidien de Marion Gomar, artiste lyrique en région parisienne. Le risque est simple à comprendre : un embouteillage au moment où les salles de spectacle pourront enfin rouvrir. « Je suis dans l’incertitude totale. Aujourd’hui, je n’ai pas de problème d’heures [pour le régime des intermittents, NDLR] mais je ne fais pas partie des chanteurs lyriques qui ont des engagements sur deux ou trois ans », explique Marion. Pour autant, plus que la conséquence de la Covid, elle voit dans la « catastrophe » d’aujourd’hui « le résultat de dégradations qui ont eu lieu depuis dix ans ». « Dans les politiques culturelles actuelles, il est toujours question de budgets et de rentabilité. Les cachets ont fortement baissé », assure-t-elle.
« Il est important que les artistes s’engagent »
Fille de cheminot et d’agente territoriale, syndicalistes militants, Marion inscrivait « manifestants » dans la case « profession des parents » à chaque rentrée scolaire. « Pour moi, c’est politique d’être à la CGT : se battre pour les conditions de travail, être toujours du côté du salarié… », confie Marion, candidate sur la liste d’Ile-de-France aux côtés de Léo. « C’est positif que le spectacle soit représenté, estime ce dernier. On est assez isolés par le boulot et on ne se rend pas toujours compte de nos droits. » « Militante féministe », Charlotte, syndiquée au SFA-CGT (Syndicat français des artistes-interprètes), est candidate en Nouvelle-Aquitaine. Elle juge nécessaire de « s’organiser collectivement », notamment face aux collectivités, afin de trouver des solutions pour « travailler quand même ». « Il est important que les artistes s’engagent », acquiesce Jean-Maximilien, candidat dans les Hauts-de-France, qui regrette presque de ne pas l’avoir fait pour la cause des salariés des TPE.