Saisonnier, un contrat de liberté ?

« La neige était bonne ? ». « Mortelle !». « C’était ton jour de congés ? ». « Ah non, pas vraiment… Ce matin je suis allé au boulot à 6.30 et mon patron m’a dit de rentrer et de revenir demain, à cause du temps. Donc aujourd’hui repos, donc ski ». « Mais, comment ça se passe ? On te pose une journée ? ». « Non, c’est repos, je ne suis pas payé ».

Station les Menuires, par un jour de mauvais temps, on croise beaucoup de saisonniers près de leur lieu de vie ; une structure qui leur est dédiée, moyennant quelques centaines d’euros par mois.

Fanny, et deux de ses amis y dorment. Tous les trois dans la même chambre. 20m2. « C’est sûr qu’on n’a pas vraiment d’intimité pendant 4 mois, mais c’est 500 euros à 3, c’est ça ou alors on met la moitié de notre salaire dans une chambre pour être seul ».

Le saisonnier type, ça n’existe pas 

Moniteurs de skis, perchistes, conducteurs d’engins de damage, mais aussi serveurs, agents d’accueil, cuisiniers, employés de restaurants ou d’hôtel, etc. Le saisonnier « type », ça n’existe pas. S’ils ont pour point commun d’alterner contrats de quelques mois et chômage entre deux saisons, tous ne sont pas logés à la même enseigne.

Il y a ce moniteur, revenu de sa journée de ski, heureux d’être là. A Près de 70 ans, il exerce son métier de prof de sport chez lui, en Pologne, et revient chaque année pendant 4 mois dans la station,  pour donner des cours de ski.

Son logeur confiera qu’ils sont loin d’être tous comme lui… « Souvent, après 35/40 ans, si t’es saisonnier, c’est que tu n’as plus d’autres choix. C’est dans la restauration qu’ils sont les plus pauvres. Certains ne peuvent pas travailler ici, car ils ne peuvent pas avancer les 200 euros de caution pour le logement. »

En face de la loge, à l’extérieur, une équipe de militants CGT venue rencontrer les salariés des petites entreprises, accroche de grandes pancartes où sont inscrits des bouts de phrases prononcées par les salariés. « Je suis mal payé, la saison est dure, mon patron est agressif, je préfère m’arrêter maintenant ». Olivier demande s’il peut prendre une photo. « Tout ce que je lis-là, je le vis. J’ai tenu 2 mois, j’ai arrêté la semaine dernière. Commis de cuisine, je gagnais 900 euros par mois logement déduit. A 28 ans, j’ai pas envie de cette vie, je ne peux faire aucun projet. Mais je ne veux pas non plus être dégouté du travail, alors je pars. On nous traite mal très mal dans la restauration ici. Aucune reconnaissance. Les collègues se font virer pour rien »

Ils ne doivent pas être vus des clients

Puis d’autres arrivent, s’arrêtent devant les panneaux, s’expriment, confient que  certains patrons de restaurants d’altitude refusent que les serveurs mettent des lunettes de soleil. Ou qu’ici, on ne voit pas beaucoup de maghrébins ou de personnes de couleurs, de jeunes de banlieues… ou alors il ne faut pas qu’ils soient vus par les clients… Puis il y a le sordide.

Pierre, responsable CGT des remontées mécaniques raconte qu’à Courchevel – station luxueuse, des Comoriens s’étaient confiés à un délégué syndical sur leurs conditions de travail et de vie : « ils ne devaient pas être vus, restaient dans les cuisines le jour et dormaient au sous-sol du restaurant, à 2800 mètres d’altitude ». Station de luxe…

La nouvelle règle d’indemnisation chômage, « elle va nous briser »

David, qui a tout juste 20 ans, est serveur pour un grand club de vacances, il est très inquiet pour son avenir à cause des nouvelles mesures d’indemnisations du chômage. Pour percevoir le chômage, il faudra travailler 6 mois au lieu de 4 précédemment. « C’est ma première saison, j’aimerais en faire plus, mais je ne sais pas comment je vais faire. Franchement, cette règle, elle va nous briser. Déjà qu’on n’est payé hyper mal, je travaille dans une station de ski et j’ai pas de quoi payer le forfait pour skier les jours de congés avec les 500 euros par mois qu’il me reste après avoir payé mon logement. Enchainer 6 mois de travail, c’est impossible, la saison ça dure 4 mois ». Patrick n’est pas loin, et entend les inquiétudes du jeune homme. Il est délégué syndical des remontées mécaniques, en grève depuis mi-janvier [voir article grèves dans les remontées mécaniques cgt.fr]. « Je ferais grève s’il y avait du monde avec moi, mais seul, impossible, mon patron me grillerait », lui dit David.

« Ce sont les entreprises plus grosses qui nous ont aidés à nous organiser »

La plupart des saisonniers comme lui travaillent dans des petites structures, des TPE. Se rassembler, s’organiser pour ses conditions de travail, c’est pas évident. Patrick en a bien conscience. Il a toujours travaillé pour les remontées mécaniques de sa station qui emploie 250 salariés. « C’est un confort d’être syndiqué. Il est évident que dans les petites boites, pas facile de se montrer à côté d’un militant, pas facile de s’organiser, quand on sait que l’année suivante, on ne sera pas embauché si on revendique quoi que ce soit. Nous, ce sont les entreprises plus grosses qui nous ont aidés à nous organiser. D’ailleurs, c’est ce qu’on essaie de faire aussi, à travers notre mouvement actuel dans les remontées mécaniques. On s’adresse à tous les saisonniers ».

Le rassemblement, l’organisation, l’adhésion à u mouvement, pour ces salariés saisonniers des petites entreprises, est une question cruciale, pour Patrick, Pierre, pour les militants CGT. Le chômage chez les saisonniers est structurel, il revient systématiquement tous les ans. Tout leur équilibre est basé sur ces petites périodes de chômage qui permettent de faire le pont entre les petits boulots ou saisons. « Nombreux sont ceux qui nous livrent leurs craintes, la nouvelle convention chômage va considérablement déstabiliser leur vie ».

Dans les Alpes et dans les lieux d’emploi saisonnier, ce point de discussion sera central pour les militants qui iront à la rencontre des salariés toute l’année, dans le cadre de la campagne pour les élections dans les très petites entreprises qui se tiendront à la fin de l’année. 

Publié le 19 mars 2020.

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