Ils avaient espéré une réouverture au 20 janvier, ce ne sera pas le cas et l’horizon n’est toujours pas dégagé. Les salariés du secteur « hôtels, cafés, restaurants » paient un lourd tribu à la crise sanitaire, depuis le premier confinement du 16 mars 2020. Témoignages de trois candidats au scrutin TPE.
« Je ne voulais pas travailler dans la restauration toute ma vie, mais j’aurais bien continué un peu… » Axelle Legrand, 20 ans, a terminé en septembre un contrat d’apprentissage de deux ans, pendant lesquels elle a alterné les cours à l’IUT de Nice en « techniques de commercialisation » et le travail dans un café de Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes). « Une toute petite entreprise de trois salariés », dans laquelle elle avait déjà fait des extras. La clientèle ? Des parents qui prennent le café après avoir déposé les enfants à l’école le matin, des salariés du quartier qui viennent manger une salade ou un sandwich le midi et des retraités l’après-midi. Axelle fait le service mais l’autre moitié de son temps de travail est consacrée à « étudier les concurrents, leurs produits, voir ce qui attire les clients, ce qu’on peut améliorer… » Et puis « le Covid est arrivé, les restos et les bars ont fermé… », soupire-t-elle. Placée en chômage partiel, elle n’a repris qu’en juin. Elle a discuté avec son employeur de la possibilité de signer un autre contrat d’apprentissage, pour une année de licence. « Mais on s’est rendu compte que c’était trop incertain. Pleins de rumeurs circulaient… », confie-t-elle. Elle est désormais en licence, pour devenir manager dans la grande distribution et travaille chez Casino. Un secteur où, au contraire, « les chiffres d’affaires explosent ». « Dès la rentrée à l’école, on nous dit clairement de ne pas trop regarder nos heures », confie-t-elle, même si elle ne déplore pas, personnellement, d’abus.
« Ce n’est pas simple, quand on est habitué à se lever pour aller bosser »
A 47 ans, Ludovic Fague a également quitté le métier récemment. Après des débuts dans la logistique, plusieurs années comme saisonnier en restauration dans le Sud-Ouest, il s’installe il y a deux ans à Évreux (Eure). Embauche en CDI à temps plein, dans un bar-PMU : gestion du bar, des sandwiches, du relais-colis et du PMU. Son collègue s’occupe du tabac, du loto et des jeux à gratter. Les journées sont chargées mais son boulot lui plaît. Au confinement de mars, il goûte, lui aussi, au chômage partiel, car seul le tabac reste ouvert. « Psychologiquement, ce n’est pas simple, quand on est habitué à se lever pour aller bosser, raconte-t-il. Je bricole beaucoup, donc j’avais de quoi m’occuper, mais je me posais beaucoup de questions : « Vont-ils me reprendre? Faut-il rechercher un autre emploi ? » » « Je suis retourné avec joie au boulot, mais j’ai alors appris qu’ils avaient mis en vente le bar quelques mois plus tôt et qu’ils avaient un acheteur… » Le courant passe beaucoup moins bien avec le nouveau couple de propriétaires. « Je pense qu’ils ont fait en sorte que je m’en aille », analyse Ludovic. Son patron refuse la rupture conventionnelle, il démissionne quand il trouve un boulot dans une plate-forme logistique d’Évreux. Un retour au source pour lui, qui a été cariste pendant douze ans.
« Un employeur reste un employeur, mais je travaille dans une entreprise à taille humaine »
Eve Martinez, elle, a fait le chemin inverse d’Axelle. D’abord la grande distribution à Marseille, puis un bar-tabac entre Bastia et Corte, après s’être installée en Corse avec ses enfants, il y a quelques années. Elle cherche un poste de secrétaire, sans succès. « Je buvais le café dans ce bar, la patronne cherchait quelqu’un », résume-t-elle. Un contrat de 60 heures par mois, qui la contraint à jongler avec l’APL, les bourses des enfants… « Mais j’habite dans le village, donc je n’ai pas de frais d’essence. Et heureusement, le tabac est resté ouvert » et le bar vend quelques boissons à emporter, précise-t-elle. Elle continue donc de travailler. Tout n’est pas parfait dans son boulot, mais elle apprécie de travailler dans une entreprise « à taille humaine ». Si la situation l’oblige à changer de métier, une chose est sûre : « La distribution, je n’y mettrai plus jamais les pieds. Un jour, je me suis entendu dire: « Vous passez 37 articles à la minute, vous devez être à 39. » »
« Les salariés des TPE ne sont pas seuls, les syndicats peuvent les aider »
Tous trois sont candidats à l’élection TPE : Axelle en Provence-Alpes-Côte-D’azur, Ludovic en Normandie, Eve en Corse. Avec sa maman militante à la CGT, Axelle est tombée dans la marmite quand elle était petite. Pour Ludovic, c’est beaucoup plus récent. Après son installation à Évreux, il a croisé par hasard des militants de la CGT, dont le secrétaire de l’Union départementale. La rencontre s’est faite… dans un bar, autour d’un jeu de fléchettes. Petit à petit, Ludovic s’est impliqué dans la vie de l’UD : « Je suis novice, mais comme j’ai travaillé dans beaucoup de domaines, je me suis rendu compte de beaucoup de choses. » Quant à Eve, son engagement remonte à sa période marseillaise, quand elle était déléguée syndicale chez ED. Quelle est l’importance, pour elle, d’être candidate à ce scrutin ? « Que les salariés des TPE sachent qu’ils ne sont pas seuls et que des syndicats peuvent les aider. »